• Ma vie d’anguille
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Bonjour… Je suis très émue de vous parler… Normalement je suis enfouie dans la vase, je ne supporte pas la lumière, vous dites que je suis lucifuge. Mais ça vaut le coup d’être sous les projecteurs aujourd’hui, car il faut parler de l’anguille ! Je suis un être vivant exceptionnel. Je commence ma vie en plein océan, en mer des Sargasses, et je parcours patiemment 6000 km pour égayer vos rivières. Je suis feuille de saule, anguilles de verre, civelles, pibales, anguilles jaunes, anguilles argentée ! Qui mieux que moi vivant depuis la source des cours d’eau jusqu’aux abysses peut illustrer le cycle de l’eau et la capacité de l’homme à vivre en harmonie avec sa planète aquatique ? Je suis malheureusement en voie de disparition. Il me faut partout des ambassadeurs engagés, curieux et inventifs, chargés de me défendre auprès du grand public de la façon la plus artistique, tonique, ludique, poétique, euphorique, dynamique, scientifique, mélodique, photogénique, atlantique, prolifique, panmictique, océanique…

Pour raconter l’histoire fabuleuse de l’anguille il faut une écriture sur mesure !

Anguilita vient juste de naître dans la Mer des Sargasses.

Tout au long du spectacle elle s’adresse à nous pour raconter son voyage et ses métamorphoses. Son histoire est tellement inouïe et haletante, que le spectateur a bien besoin de respirer de temps en temps ! Place alors aux intermèdes avec des savants qui ont consacré leur vie à ce poisson étrange, des journalistes qui traquent les contrebandiers, des poètes inspirés, des romanciers, des cuisinières, des pêcheurs… Toutes ces figures sont accompagnées par le multi instrumentiste Laurent Grais. Pour le spectacle, il a même inventé l’anguilla box !

Après maintes péripéties et maints dérivatifs en tout genre, Anguilita se retrouve avec une balise sur le dos. Mais peu de temps ! Anguilita largue sa charge au large du Portugal, disparaît et reste à jamais indéchiffrable. Car il vaut mieux qu’elle rejoigne ses congénères sur le lieu de sa naissance sans entrave, plutôt que nous sachions tout sur elle à ses risques et périls !

L’anguille, avec toutes ses métamorphoses, pouvant devenir plus vielle que n’importe quel être vivant et survivre dans d’étroits puits profonds, que l’on peut voir au marché et dans nos assiettes, réussit, malgré tous les efforts de la science moderne, à garder secrète la façon dont elle se reproduit, dont elle naît et dont elle meurt.

« Le voyage de l’anguille pour extraordinaire qu’il soit, est en même temps quelque chose que nous pouvons reconnaître et à quoi nous pouvons même nous identifier : la longue et hasardeuse dérive pour s’éloigner des origines, puis le non moins long et difficile voyage retour, tout ce que nous sommes prêts à faire pour rentrer enfin chez nous. La Mer des Sargasses, c’est le bout du monde, mais aussi le commencement de tout. Voilà la grande révélation. Même les anguilles jaune pâle que nous pêchions dans la rivière, mon père et moi, par les sombres soirées d’août, avaient toutes commencé leur vie sous forme de petites feuilles de saule dérivant sur des milliers de kilomètres depuis un lieu lointain, étrange et mystérieux, qui dépassait de très loin tout ce que je pouvais imaginer. Quand je les tenais dans mon point en essayant de les regarder dans les yeux, je m’approchais d’une réalité qui dépassait les frontières du monde connu. C’est ainsi que la question de l’anguille vous saisit. Son caractère énigmatique devient un écho des questions de tous les êtres humains portent en eux. Qui suis-je ? D’où viens-je ? Où vais-je ? »

Extrait de l’Évangile des anguilles de Patrick Svensson